Vieux routards de la musique électroacoustique estampillée GRM (François Bayle, Christian Zanési) ou non (Francis Dhomont), expérimentateurs polymorphes (Conrad Schnitzler, David Toop) stars de l’électronique paysagiste (Christian Fennesz, Scanner), minimalistes ambient (Steve Roden, Lawrence English), platinistes de tout poil (eRikm, Janek Schaefer), abonnés au catalogue d’Empreintes Digitales (Gilles Gobeil, Jonty Harrison) et bon nombre d’autres créateurs sonores de notoriété variable contribuent à cette réalisation pour le moins ambitieuse du compositeur britannique Mathew Adkins. L’occasion d’un tel rassemblement est la célébration des soixante ans de la musique concrète dont la paternité est attribuée à Pierre Schaeffer et sa première étude de bruit [Étude aux chemins de fer] en 1948. À l’invitation d’Adkins, chaque artiste a fourni une source de son choix ainsi qu’une courte improvisation à partir de ce même matériau. Dans un second temps, les différents fragments collectés ont été mis à disposition des 66 participants pour être retravaillés, recombinés sans consigne particulière. La somme considérable de sections sonores ainsi générée a ensuite servi de point de départ au compositeur qui les a assemblées à l’aide simplement de procédés d’édition, de raccourcissement et de superposition. L’art du mixage atteint ici des sommets et l’œuvre finale, découpée en trois mouvements, surprend par sa cohésion même si elle fourmille de directions, entremêlant stratégies concrètes et identités virtuelles, brouillant les cartes d’un monde sonore globalisé. Hommage aux techniques de montage d’hier, ce «projet des 60» n’aurait pourtant pu voir le jour sans la technologie d’échanges de fichiers d’aujourd’hui; une interdépendance entre les époques qui montre peut être le chemin vers le futur.